Un neuf temps qui n’a pas d’âge : mémoire d’un moment suspendu

Il y a quelques jours, j’échangeais avec une élève suisse qui partage sa vie entre la Suisse et la Grèce.

Au fil de notre conversation, un souvenir m’est revenu : celui d’une rencontre musicale et humaine marquante, avec la harpiste grecque Elisa Vellia.

J’ai eu la chance de suivre plusieurs stages avec elle, à Dinan, lors des Rencontres internationales de harpe celtique, puis à Paris, à la Mission Bretonne. De ces moments, je garde le souvenir d’un enseignement vibrant, généreux, ancré dans la transmission orale et dans le ressenti. Certaines de ses clés pédagogiques m’accompagnent encore aujourd’hui dans ma manière d’enseigner.


Et puis, il y a cette vidéo.


Une vidéo rare, précieuse, tournée à Athènes en 2009 :
🎥 Transmission d’un neuf temps qui n’a pas d’âge
Elle commence simplement, par une conversation dans une voiture, au lever ou au tomber du jour.

Andreas Tsekouras y raconte une anecdote mystérieuse sur une prêtresse et le déplacement d’une statue située sur un lieu sacré.

Puis la caméra nous emmène sur un ancien chemin de pierre, une voie piétonne antique oubliée, qui grimpe à flanc de colline. Athènes s’étend en contrebas, l’Acropole en ligne d’horizon. On sent que le lieu est empreint de mémoire, à l’écart des circuits touristiques.


Là, Elisa installe sa harpe.

Elle accorde patiemment son instrument. Le silence se fait.
Et soudain, la transmission commence.

Un homme transmet un rythme, une mélodie, une danse — un art ancien — à une femme musicienne.

On assiste à la naissance d’un morceau, tout en simplicité, en gestes justes.
Le rythme à neuf temps, si particulier, commence à vibrer sous les doigts d’Elisa, pendant qu’Andreas danse, le corps en dialogue avec la musique.

Le morceau qui en naîtra s’appellera To tragoudi tou Andreas (Le chant d’Andreas).


Ce moment me bouleverse à chaque visionnage.


Ce n’est pas seulement une performance : c’est la magie de la transmission vivante.
Une mémoire qui passe d’un corps à un autre, sans partition, sans mots superflus.
Une rencontre humaine et artistique, humble et sacrée.


J’aime aussi dans cette vidéo le timbre si caractéristique des harpes de Marin Lhopiteau, dont le son bois et soie épouse merveilleusement bien la musique méditerranéenne — comme il le fait déjà dans les musiques celtiques. Et pour les oreilles attentives, si le jeu et la posture d’Elisa vous semblent familiers, ce n’est pas un hasard : elle fut, il y a longtemps, l’une des professeures de Cécile Corbel.


La vidéo se conclut comme elle a commencé :

la caméra redescend lentement le chemin antique, laissant le spectateur emporté par ce moment suspendu. On y remercie Andreas Tsekouras, ainsi que les musiciens présents lors du concert donné à Lyon en 2010, peu après l’enregistrement de l’album. Les images sont signées Laurent Rousseau.


C’est une de ces vidéos qui marquent, qui restent, parce qu’elles touchent à quelque chose d’essentiel : la beauté du geste transmis, la mémoire du rythme, l’instant partagé.
Et parfois, ce sont ces souvenirs qui nourrissent notre propre manière de jouer… et d’enseigner.



👩‍🎨 Courte biographie d’Elisa Vellia

Elisa Vellia est une harpiste, chanteuse et compositrice d’origine grecque, née sur l’île de Corfou. Très tôt, elle étudie le piano à Athènes avant de s’ouvrir au chant, à la guitare, au blues et au folk. À 21 ans, elle quitte la Grèce et découvre la harpe celtique à Londres, instrument qui va façonner son identité musicale. Après des études auprès de maîtres irlandais et écossais, elle s’installe durablement en Bretagne à partir de 1992.

Elle cofonde (avec la harpiste Cristine Mérienne) le duo Sedrenn, très actif en France et à l’étranger.

En 2005, sort son premier album solo Le Voleur de Secrets, combinant harpe et chants grecs, qui devient un grand succès world pour Harmonia Mundi.

Elle poursuit avec Ahnaria (2008) puis La femme qui marche (2011), albums mêlant traditions méditerranéennes et influences celtiques, portés par une voix expressive et un jeu de harpe poétique.

Depuis plus de vingt ans, Elisa anime des stages et master‑class de harpe et chant, en Bretagne et à l’étranger (Écosse, Grèce, République tchèque, Paraguay, etc.), privilégiant une pédagogie basée sur le mouvement, le corps, la danse et le partage sensitif.

En savoir plus : http://www.elisa-vellia.com


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